Brève analyse (Formes, Techniques, Significations, Usages)
Cette œuvre, constituée du processus de sa fabrication, invite le spectateur à le décrypter progressivement. Elle semble d'une extrême simplicité, mais se révèle très vite beaucoup plus complexe, une profusion de sens émerge de cette mise en abîme que Snow installe dans l'œuvre. Elle est composée d'un miroir, au milieu duquel sont collées, par du ruban adhésif formant un cadre, quatre photos instantanées, plus une cinquième dans le coin gauche. La première est le résultat d'une prise de vue par l'auteur face au miroir. Cette image une fois instantanément développée est fixée au miroir. Puis la deuxième photo est prise, sans bouger l'appareil. Le processus met en œuvre quatre fois cette même opération, en incluant une image de plus, qui occulte peu à peu l'opérateur. La cinquième image, fixée dans le coin supérieur gauche, est la prise de vue des quatre photos du milieu.
Le spectateur est invité à reconstituer le processus de fabrication de l'œuvre comme s'il remontait le temps, et faisant cela il éprouve la même fascination qu'avec le couvercle d'une célèbre boîte de fromage, étant petit. Face au miroir, il ne se voit que très partiellement, mais son reflet mouvant et celui de l'espace alentour vient confronter le temps présent à ce feuilletage de temps multiples, figés. Car la photographie est un enregistrement du réel qui opère une coupe temporelle et spatiale, contrairement à la peinture. Roland Barthes a nommé le « ça-a-été » le basculement immédiat dans le passé que produit la photographie, et la nécessité que la chose ou la personne prise en photo ait été là, devant l'objectif, et non dans l'imaginaire de l'artiste. Snow semble jouer avec ce basculement, tenter de saisir un instant présent qui fuit toujours. Cette succession d'instantanés réitérés dans le même espace nous rappelle immédiatement que tout instant a basculé dans le passé dès son apparition. Chaque image étant l'image d'une image, la surenchère met aussi en présence d'une dégradation exponentielle de sa définition. Car en même temps que l'image initiale fuit dans le fond de l'espace de la représentation (l'espace est creusé par le temps), elle se recouvre elle-même d'une couche de flou, qui peu à peu efface la figuration mise en abîme. Ainsi c'est la figure-même de l'auteur qui glisse et disparaît, à la fois sous les moyens de son apparition dans l'image et par son occultation progressive sur le miroir où peu à peu son reflet est remplacé par sa représentation multiple.
Cet autoportrait fonctionne d'emblée sur le mode déceptif, car l'appareil photo cache le visage de Snow, puis ce sont les images collées qui font de même. Puisque l'œuvre est autoréférentielle, voire tautologique (en cela elle est proche de l'art conceptuel), parce qu'elle montre ce qui l'a constitué, procédure et processus, elle semble donc être plus l'autoportrait de cette procédure mécanique d'enregistrement qu'est la photographie que celui de l'auteur. C'est encore plus le cas avec cette reproduction-ci de l'œuvre car elle inclut dans le champ l'appareil qui l'a prise, relié hors champ au déclencheur.
Anne Gavarret, Conseillère Pédagogique Arts Plastiques, Paris
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